Le piège de Dieudonné déjoué par le juge
Dans une tribune publiée dans Libération, le professeur agrégé de droit public et doyen de la faculté de droit de Paris-Est Jean-Jacques Israël revient sur la décision du Conseil d'État qui représente «un enrichissement pour la démocratie».
Par une ordonnance qui fera date, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a fait justice. Les faits sont connus: dans son spectacle le Mur, M. M’Bala M’Bala se livre à des propos antisémites, par exemple en regrettant qu’un journaliste échappe aux chambres à gaz. Au mépris de toute dignité, il incite au racisme et à l’exclusion. Cette provocation à la haine est un délit; l’intéressé a été condamné sept fois, sans payer ses amendes.
Face à cette situation intolérable, le préfet de la Loire-Atlantique, inspiré par une circulaire du ministre de l’Intérieur et par la jurisprudence, a, comme il en a le devoir, interdit ce qui constituait un projet de réunion à visée prosélyte. Le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, donnant son interprétation de la jurisprudence, a annulé cette interdiction. Saisi dans la même urgence du référé-liberté jugé sous quarante-huit heures, le président de la section du contentieux a annulé l’ordonnance du juge de Nantes par une interprétation, adaptée aux circonstances de droit et de fait, de la jurisprudence la plus classique.
Il faut lire l’ordonnance pour en saisir la portée juridique. Le juge rappelle le caractère fondamental de la liberté d’expression «condition de la démocratie» et garantie des autres droits et libertés; il rappelle aussi que l’exercice de la liberté de réunion doit être favorisé et que seules les exigences de l’ordre public (dont le respect s’impose à tous dans une société démocratique) peuvent justifier des atteintes à l’exercice des libertés fondamentales, si les mesures prises sont «nécessaires, adaptées et proportionnées».