Pourquoi avons-nous décidé de lancer la LBCA?
Présentation de la raison d'être de la Ligue Belge contre l'Antisémitisme (LBCA) par son vice-président Isaac Franco, lors de la conférence de presse qui s'est tenue le 27 janvier 2014 à l'occasion du lancement officiel de la LBCA.
Pourquoi avons-nous décidé de lancer la Ligue Belge contre l'Antisémitisme?
Parce que tenir une conférence pour annoncer le lancement d'un organisme de lutte contre l'antisémitisme le jour même où, il y a 69 ans, on libérait le camp d'Auschwitz est là pour souligner un dramatique échec collectif et démontrer que l'antisémitisme est toujours bien présent parmi nous.
Parce que ce fléau résiste à tous les traitements et qu'il mute sans cesse pour résister.
Parce que le préjugé ethnique le plus ancien s'est lui aussi mondialisé, gagnant ainsi une nouvelle énergie au point de menacer la cohésion sociale de nos sociétés si elles n'élèvent pas des digues plus solides pour le contenir.
Parce que l'antisémitisme européen traditionnel, disqualifié pendant quelques décennies par l'énormité du crime de la Shoah, noue désormais des alliances avec les nouveaux habits de l'antisémitisme.
Parce qu'à l'ère de la mondialisation, l'antisémitisme n'est plus seulement un phénomène social et culturel, mais aussi un phénomène politique qui s'en prend à Israël, non à cause de ses politiques que chacun est bien entendu libre de critiquer, mais parce que ce pays est la «maison politique des Juifs» (The Devil That Never Dies, Daniel Goldhagel).
Parce que les prêches antisémites tenus à des milliers de kilomètres de chez nous font des ravages dans certains cerveaux dans nos villes, dans nos foyers, et qu'après une accalmie relative de quelques décennies, les statistiques témoignent désormais d'une recrudescence inquiétante de dérapages verbaux et d'agressions physiques antisémites.
Parce qu'ils sont bien trop nombreux ceux de nos concitoyens qui prêtent l'oreille aux idées les plus délirantes sur les Juifs, qu'ils auraient trop de pouvoir dans la finance, qu'ils régneraient en maîtres dans la politique ou les médias, ou qu'ils mèneraient une guerre d'extermination contre les Palestiniens.
Parce qu'on peut désormais défiler dans les rues de nos villes au cri de «Mort aux Juifs» ou, comme hier à Paris à l'occasion de la «Journée de la Colère», avec celui de «Juif, la France n'est pas à toi» ou cet autre encore de «Shoah nanas».
Parce qu'on peut impunément narguer les Juifs d'une quenelle sur les lieux qui commémorent leurs souffrances ou devant leurs lieux de prière.
Parce que des trublions sans envergure contribuent chaque jour à repousser les frontières de l'abjection, convaincus hélas avec raison qu'ils gagnent ainsi aisément un passeport pour la notoriété, qu'il suffit presque aujourd'hui de tenir des propos infamants sur les Juifs, de réactiver et d'encourager les pires pulsions souterraines pour se gagner une large audience, et qu'une telle parole a même pu s'exprimer librement il y a quelques jours seulement dans l'enceinte parlementaire.
Parce que la microscopique minorité de la population mondiale qui est l'objet d'une haine aussi tenace en dit long sur la capacité de l'antisémitisme de se réinventer au point aujourd'hui de faire de l'antisémitisme dans la langue des droits de l'homme, de permettre ainsi à certains de se proclamer antiraciste, de lutter contre la discrimination réelle qui blesse nos concitoyens originaires d'Afrique du Nord ou d'Afrique noire et, en même temps, de tenir des discours qui incitent à la haine des Juifs.
C'est pour toutes ces raisons que nous avons décidé de lancer la Ligue Belge contre l'Antisémitisme, et c'est pour toutes ces raisons que nous avons décidé de centrer sa mission sur la lutte contre l'antisémitisme et non pas, comme ce fut le cas des organisations antiracistes pendant des décennies - quand ce désastre de la raison paraissait disqualifié à jamais -, le combat par ailleurs légitime et indispensable contre toutes les autres formes de discrimination et d'exclusion.
C'est enfin parce que nous refusons de penser que ce combat est perdu d'avance et qu'il y aura malgré tout une place demain pour nos enfants dans ce pays qui est aussi le leur.