Prix Nobel de la haine
Dans une tribune publiée dans Libération, l'écrivain irlandais Robert McLiam Wilson décerne à l'antisémitisme le «prix Nobel de la haine». Il évoque l'universalisme de ce fléau: «Si vous êtes plutôt de gauche, vous détesterez les grands ploutocrates juifs européens et américains ainsi que l’Etat réactionnaire d’Israël; plutôt de droite, vous enragerez contre le bolchevisme et l’internationalisme juifs ou simplement, disons, contre la judéité.».
Il conclut sur la «quenelle», ce salut nazi inversé popularisé par Dieudonné M'Bala M'Bala: «Laissez-moi résoudre ce débat de quenelle pour vous. Arrêtons les bêtises. Il n’y a pas de débat. Quoi que vous pensez qu’il ait pu signifier, ce geste ne dit à présent qu’une seule chose. Il ne dit pas je suis cool ou jeune ou iconoclaste. Il dit: ‘La prochaine fois, on ne vous loupera pas.’»
Deux faits dans l’actualité française font actuellement grand bruit à l’étranger. Votre président se tape une actrice et ça fait un gros scandale. Mais ce n’est pas ça qui nous plaît. Nous, c’est le scooter qu’on aime. Et peut-être le casque. Là, on se marre. Qu’est-ce qu’on aimerait, nous aussi, avoir un président comme ça. Imaginez des photos d’Obama et de Cameron roulant la nuit en scoot, tout en casques de guingois et turgescences mal contenues. C’est pour ça que les Français acceptent de payer tant d’impôts? Parce que le spectacle politique est si poilant?
L’autre élément d’actualité qui a fait tilt concerne un geste appelé «la quenelle». Les étrangers ne savent rien de son origine ni du comique qui prétend l’avoir inventé. Ils ne sont au courant de son existence qu’à cause de Nicolas Anelka qui l’a fait lors d’un match en Angleterre. Du coup, j’ai fait des recherches. Apparemment, il y aurait débat. Certains disent qu’il s’agit d’un geste antisystème, d’autres, antisémite. Certains ont décidé de mettre les choses au clair en se prenant en photos faisant le fameux geste devant des synagogues ou des monuments aux Juifs morts. A ce stade, je n’ai qu’une seule question: où est le débat? Le faire sur un pont, dans un champ ou un parking est ambigu, situationnel, sans contexte évident; en revanche, bordel, n’est-il pas possible d’admettre assez facilement que le faire devant un cimetière juif souligne indubitablement quelque chose?
Ne vous méprenez pas. J’aime bien les antisémites. Ils sont mignons et désuets, fidèles à la calomnie ancestrale. Dans la grande lessiveuse bouillonnante de la haine humaine, l’antisémitisme est le tissu dont la couleur ne se délave jamais. Ça fait des millénaires qu’on en use et abuse. Nous tous. Les Polonais étaient un cauchemar, les Espagnols et les Français y ont goûté en leur temps, les Russes n’ont été surpassés que par les Ukrainiens et, oh oui oh oui, les Lituaniens étaient extraordinaires, au point que même les Allemands estimaient qu’ils poussaient un peu le bouchon. Pour le fin connaisseur de la haine ethnique, l’antisémitisme est le grand classique, le chef-d’œuvre absolu auquel on revient toujours.