Stéphane Hessel au Panthéon de l'ULB

Isaac Franco |


Tribune d'Isaac Franco, vice-président de la Ligue Belge contre l'Antisémitisme (LBCA) et ancien étudiant de l'ULB (Solvay - Promotion 1975) à propos de l'inauguration du «Square Stéphane Hessel» à l'ULB le 19 mai 2014.


Isaac FrancoSur proposition de l'Union des anciens de l'Université Libre de Bruxelles (UAE), le Recteur de l'Université a accepté de donner le nom «square Stéphane Hessel» aux pelouses qui entourent la statue de Théodore Verhaegen.

C'est ainsi que ce lundi 19 mai, l'ULB a honoré un homme qui a osé déclarer que «la politique d'occupation allemande était, si on la compare par exemple avec la politique d'occupation actuelle de la Palestine par les Israéliens, une politique relativement inoffensive, si l'on fait abstraction d'éléments d'exception comme les incarcérations, les internements et les exécutions, ainsi que le vol d'œuvres d'art.»

Hier donc, la Commission Valeurs de l'UAE et, avec elle, l'ULB toute entière ont associé le nom d'un homme capable d'un tel outrage à ceux d'Auguste Baron et Théodore Verhaegen qui nous ont donné le Libre Examen et ce, à l'endroit même où, chaque année, les membres de l'UAE se rassemblent le 20 novembre pour commémorer fièrement leur université et ses valeurs.

Ancien étudiant de l'ULB, je ne me reconnais plus dans une Université que ne dérange pas l'analogie - frappante pourtant - entre le verbe de cet homme et celui d'un ennemi consacré de la démocratie qui, au journal Rivarol, disait lui aussi il n'y a pas si longtemps que «en France du moins, l'occupation allemande n'a pas été particulièrement inhumaine même s'il y eut des bavures, inévitables dans un pays de 550.000 kilomètres carrés.»

Alors, je m'interroge.

Si ces propos du président du Front National de l'époque, qui suggèrent honteusement une relative bienveillance de l'occupation allemande, ont mérité une juste et unanime condamnation, pourquoi alors une autre déclaration, siamoise de la première, n'a-t-elle pas donné un même haut-le-cœur lorsque la prononçait l'Oracle médiatique de la Gauche qui, par ailleurs, se gardait bien de contredire ses adorateurs naïfs lorsqu'ils l'associaient, rien de moins, à la rédaction de la Déclaration des Droits de l'Homme?

Serait-ce parce que cet «ardent promoteur des Droits de l'Homme» assortissait, lui, son odieux plaidoyer de la «politique relativement inoffensive» de l'occupation allemande, d'une comparaison pas moins abjecte avec la cruauté supposée de l'occupation israélienne de territoires disputés en Judée Samarie?

Serait-ce que tenir la seconde proposition annule la condamnation que lui aurait - peut-être, peut-être seulement, s'agissant de l'auteur canonisé des indignations sélectives - valu la seule première?

Serait-ce qu'on ne peut convoquer la première que du moment qu'on l'enrôle au service de l'incitation à la haine de l'Etat juif?

Serait-ce le signe - combien dévastateur au plan symbolique pour notre chère Université et son UAE - que, «en gravant dans la pierre un hommage à l'homme d'idéal et d'insoumission», elles échangent la lutte contre les méfaits réels des fascismes de droite comme de gauche pour le combat contre ceux, fantasmés, du Sionisme?

Autrement dit, serait-ce que le Sionisme est devenu, pour notre Université comme pour son Union des anciens étudiants, l'incarnation la plus achevée du fascisme contemporain, voire de tous ceux qui l'ont précédé?

Serait-ce que notre Alma Mater désigne, avec Stéphane Hessel, Israël et le Sionisme comme La référence du Mal qu'on peut, qu'il faut même, inciter à haïr la bonne conscience en bandoulière?

Serait-ce, en somme, que notre Université s'enorgueillit désormais d'être devenue un des hauts-lieux européens de la diabolisation d'Israël et ce, au nom d'un prétendu «combat pacifiste et émancipateur»?

Serait-ce que l'antisémitisme grimé en antisionisme ne disqualifie pas tout celui qui se proclame antiraciste, serait-ce donc que ce temps mauvais a accouché de l'antiraciste antisémite, serait-ce alors que l'antisémitisme n'est plus un racisme du moment qu'on prend soin de le couvrir de la misérable feuille de vigne de l'antisionisme?

La décision de notre Université et de ses Anciens de s'associer à l'inauguration de cette stèle me paraît répondre par l'affirmative à ces interrogations.

Ne nous trompons pas, c'est à un simulacre de fraternité qu'ont participé les autorités académiques de l'ULB, son Union des anciens et leurs invités quand ils ont commémoré la geste d'un homme que le grand' âge a égaré au point de sourire benoîtement aux côtés d'assassins qui promettent chaque jour à des fils et petits-fils le même sort que réservaient à leurs pères et grand-pères ceux dont l'occupation chez nous était «relativement inoffensive».