Jean Bricmont, le M. Prudhomme de la liberté d'expression
C'est l'antifascisme qui crée le fascisme, l'antiracisme qui crée le racisme, et «la gauche morale qui est devenue l'extrême droite», ne craint pas d'écrire Bricmont. Un tour de bonneteau idéal.
La France a l'air barbare, vue de près. Mais allez en Belgique et vous deviendrez moins sévère pour votre pays», écrivait un poète qui ne se souciait pas trop d'amitié entre les peuples. On s'était gardés de faire autre chose que sourire à cette sortie de Baudelaire jusqu'à la découverte de l'existence du dénommé Jean Bricmont et du leadership qu'il entend assumer désormais dans la défense de toute la quincaillerie extrémiste, antisémite et négationniste qui prospère à nouveau dans notre pays à la faveur des moyens de propagande démultipliés du Web, du vide politique, de l'oubli aussi.
Belge donc, spécialiste des équations différentielles et disciple de la pensée sèche de Bertrand Russell, il s'était déjà illustré à la fin des années 90 en publiant avec Alain Sokal un pamphlet prudhommesque, Impostures intellectuelles, qui entendait établir la nullité de toute la philosophie française postmoderne, sur la base d'erreurs relevées dans différents passages scientifiques de Derrida, Deleuze ou Lacan. A la racine de la joie mauvaise qui avait prévalu alors, notamment dans les médias qui firent le succès du livre, le ressentiment à l'égard des plus grands esprits d'un âge d'or français en train de s'achever, ivresse du vae victis («malheur aux vaincus») dans une période où les André Comte-Sponville, Bernard-Henri Lévy ou Luc Ferry purent vivre leurs riches heures sur la base de ce nouvel obscurantisme.