Une Ligue pour contrer l’antisémitisme
Le jour n’avait pas été choisi au hasard. La Ligue Belge contre l’Antisémitisme (LBCA) a été portée sur les fonts baptismaux en ce lundi 27 janvier, date anniversaire de la libération du camp en 1945 par des soldats de l’Armée rouge. La création de LBCA répond à une inquiétude: celle produite par les franchissements de plus en plus réguliers de ces lignes rouges sous couvert de liberté d’expression, d’antisionisme, et d’humour (douteux).
Pour Joël Rubinfeld, le président de la LBCA, il y a «urgence». «La banalisation de l’antisémitisme revient en force. Des études montrent que 50% des Juifs envisagent de déménager vers Israël. Les jeunes se déclarent ouvertement antisémites. Nous entendons lutter contre toutes les formes d’antisémitisme, réactivement mais aussi en lançant des initiatives pédagogiques».
«Mollesse» de la Chambre
Le malaise dans la communauté juive de Belgique est réel. Les sorties dégoulinantes de haine antisémite de Dieudonné et de ses adeptes «quenelleurs» devant des synagogues, l’école de Toulouse où 3 Juifs furent assassinés ou à Auschwitz, bénéficient d’une tolérance bienveillante.
Dans l’enceinte même du Parlement belge, le député Laurent Louis a pu, lors de la séance plénière du 16 janvier dernier, livrer, outre ses ridicules quenelles, un discours négationniste, révisionniste et antisémite, ne suscitant que peu de réactions dans l’assemblée. Il a fallu que le CCOJB s’insurge contre les sorties honteuses de Laurent Louis et la «mollesse» du Parlement à le faire taire séance tenante pour que le président de la Chambre André Flahaut désapprouve ses propos en séance plénière du 23 janvier.
«Les propos orduriers constituaient autant d’infractions à la loi. Le président de la Chambre aurait dû user de ses prérogatives pour le faire expulser séance tenante», estimait, avec tristesse, le communiqué du CCOJB. Et d’aucuns de rappeler en comparaison que le député Ecolo Decroly s’était fait expulser de la Chambre parce qu’il avait osé y porter un singlet! Laurent Louis, lui, se réfugiait sur Facebook, derrière son immunité parlementaire «qui permet de tout dire».
Comme par défi, il a assisté lundi à la conférence de presse annonçant la création de la LBCA tandis que ses partisans agonissaient d’injures la page Facebook de la Ligue. Celle-ci consacre sur son site (lbca.be) un dossier aux travers antisémites de Laurent Louis contre lequel une plainte pour négationnisme a été déposée au parquet de Bruxelles.
La LBCA n’entend pas s’ériger en concurrent du MRAX, le Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. «Nous entendons être complémentaires», dit Joël Rubinfeld. Le MRAX avait supprimé de ses anciens statuts la référence à la Shoah. «Nous l’avons réintroduite dans nos nouveaux statuts», assure Vincent Cornil, le directeur du MRAX qui salue la création de la LBCA. «Au plus il y aura de militants antifascistes, au mieux c’est», souligne-t-il. «L’antisémitisme est un racisme spécifique, il est structurellement ancré dans nos sociétés et n’a jamais disparu». Et puis, estime Vincent Cornil, «les associations qui se créent contre des formes déterminées de racisme, contre les Roms également, sont évidemment les meilleures connaisseuses de ce qui les atteint».
Article de Marc Metdepenningen paru dans Le Soir du 28 janvier 2014