Le cas Dubuisson
Tribune de Joël Rubinfeld, président de la Ligue belge contre l’antisémitisme, publiée dans l'hebdomadaire satirique belge PAN.
Samedi 7 octobre, alors que le pogrom perpétré par le Hamas et des civils palestiniens est encore en cours dans le sud d’Israël, le professeur de droit international de l’ULB François Dubuisson est l’invité du Journal télévisé de la RTBF pour “donner les clés pour bien comprendre ce qui se passe là-bas”.
Tandis que le monde découvrait avec effroi les images insoutenables de ces jeunes Israéliens assassinés au festival de musique, de ces femmes belles et pleines de vie violées puis démembrées, et de ces vieillards et enfants kidnappés par les terroristes palestiniens, François Dubuisson n’aura pas un mot de condamnation pour le Hamas et, toute honte bue, s’emploiera durant trois longues minutes à rendre Israël responsable de ce massacre de Juifs comme le monde n’en avait plus connu depuis la Shoah. Cela avec une absence d’empathie qui glace le sang.
Cette interview qui fera date m’a donné envie d’en savoir plus sur la personne. Après avoir googlé “François Dubuisson” et “Israël”, 8.890 résultats s’affichent à l’écran. On y apprend par exemple que l’expert sollicité par la chaîne publique pour “donner les clés pour bien comprendre ce qui se passe là-bas” se trouve être cette même personne qui a juridiquement assisté l’Autorité palestinienne contre l’État d’Israël devant la Cour internationale de Justice. Belle leçon de déontologie.
Le reste est à l’avenant. De l’Israeli Apartheid Week au boycott de SodaStream, de l’Association belgo-palestinienne à Made in Illegality, de la CEDH à Média Palestine, on retrouve le professeur de l’ULB sur tous les fronts. Jusqu’aux côtés du mouvement antisémite BDS comme conférencier et ardent défenseur, au nom de la “liberté d’expression”. C’est encore au nom de la “liberté d’expression” qu’il mène bataille contre la définition de l’antisémitisme de l’IHRA, un outil juridique pourtant nécessaire pour tenter d’endiguer ce nouvel antisémitisme qui frappe les communautés juives européennes depuis septembre 2000.
Fondé en 2005, BDS est un mouvement dont l’objet est le boycott de l’État juif. Au fil des ans il a tissé des liens à travers le monde, accordant une attention toute particulière aux milieux universitaires. BDS est notamment à l’initiative du Israeli Apartheid Week, ce raout antisioniste organisé chaque année sur de nombreux campus dont celui de l’ULB où, en 2015, des étudiants juifs de l’université furent conspués par des militants BDS aux cris de “sionistes, fascistes, c’est vous les terroristes!”. Portant en lui l’antisémitisme comme la nuée porte l'orage, BDS sera régulièrement dénoncé pour ce qu’il est. Quelques exemples:
1) “Le mode argumentaire et les méthodes du mouvement BDS sont antisémites.” (Résolution du Parlement allemand condamnant l’antisémitisme et le mouvement BDS, adoptée à l’unanimité moins les voix de l’extrême-droite AfD et de l’extrême-gauche Die Linke)
2) “Le mouvement BDS est antisémite dans ses méthodes et ses objectifs.” (Felix Klein, Commissaire du gouvernement fédéral allemand pour la lutte contre l’antisémitisme)
3) BDS est ce “vieil antisémitisme traditionnel, reconditionné et rebaptisé, mal dissimulé sous une rhétorique anti-israélienne.” (Elon Carr, Envoyé spécial des États-Unis pour le monitoring et la lutte contre l’antisémitisme)
4) “Le Conseil national condamne énergiquement toutes les formes d’antisémitisme, y compris celui lié à Israël.” (Résolution du Parlement autrichien condamnant l’antisémitisme et le mouvement BDS, adoptée à l’unanimité)
5) “Tous ceux qui soutiennent BDS doivent savoir qu’ils soutiennent un mouvement antisémite. BDS utilise le même langage autrefois utilisé par les nazis pour dire ‘N’achetez pas aux Juifs!’ Aujourd’hui, cela se dit ‘N’achetez pas à Israël!’” (Uwe Becker, Commissaire du Länder de Hesse pour la lutte contre l’antisémitisme)
6) “L’antisémitisme est encore bien trop présent. Les étudiants juifs se sentent encore malvenus et mal à l'aise sur certains de nos campus universitaires à cause des intimidations liées à BDS.” (Justin Trudeau, Premier ministre du Canada)
Le cas Dubuisson n’est pas unique en soi. Il témoigne d’un climat qui s’est progressivement installé ces dernières décennies au sein du département de droit international de l’Université Libre de Bruxelles. Je me souviens des confidences d’un étudiant de l’ULB m’expliquant que la section de son syllabus sur les “Peuples occupés” consacrait 349 lignes à “L’affaire de la Palestine” tandis que les “Autres territoires occupés” devaient se contenter de 38 lignes. Les exemples repris dans ses syllabus pour illustrer les cas de violations du droit international viendront confirmer ce tropisme, comme dans la partie traitant de “l’illicéité d’actes de représailles impliquant l’emploi de la force” où 8 résolutions du Conseil de sécurité sont citées, dont 7 condamnant… Israël.
Il y a lieu de se demander combien de journalistes, politiques, magistrats et enseignants ont vu leur esprit formaté par ces Fouquier-Tinville du procès permanent d’Israël. Car lorsqu’on voit ce que le professeur Dubuisson a dans la tête, on frémit à l’idée de savoir ce qu’il met dans le crâne de ses élèves.