Carnaval d’Alost: le gouvernement israélien entre dans la polémique

Le Soir |


Les organisateurs s’apprêtent à laisser défiler des chars montrant des caricatures de Juifs orthodoxes. Un ministre israélien a appelé à «condamner et interdire» ce carnaval.

La perspective de voir défiler, dimanche au carnaval d’Alost, des chars arborant des caricatures de Juifs au nez crochu au milieu de tas d’or et de rats continue d’alimenter la polémique. Après la mise en garde de parlementaires européens membres du groupe de travail contre l’antisémitisme appelant les autorités locales et fédérales à prendre «les mesures nécessaires», c’est le gouvernement israélien qui a fait entendre son point de vue sur la question.

«Manifestation antisémite»

Jeudi, le ministre israélien des Affaires étrangères Israel Katz a diffusé un tweet pour fustiger le fameux carnaval. Le ministre a appelé la Belgique «à condamner et à interdire» le carnaval d’Alost, qu’il qualifie de «manifestation antisémite». Selon lui, «la Belgique en tant que démocratie occidentale devrait avoir honte de permettre une telle manifestation antisémite».

En Israël, toute manifestation d’antisémitisme, n’importe où dans le monde, suscite toujours l’indignation et, donc, des réactions importantes. En toute logique, «l’humour» carnavalesque à l’alostoise ne pouvait échapper à la vigilance des autorités israéliennes. Depuis les caricatures sur chars de l’année dernière qui ont valu au carnaval d’Alost son exclusion du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco – une première en soi –, l’édition 2020 était donc attendue comme un test.

Mais le nouvel ambassadeur d’Israël à Bruxelles, Emmanuel Nahshon, qui fut pendant des années porte-parole du gouvernement de Binyamin Netanyahou, a voulu prendre les devants, déclarant à qui voulait l’entendre que la Belgique devait interdire ce type de manifestations d’antisémitisme. «La Belgique est une démocratie tolérante et ouverte», tweetait-il le 18 février. «Le carnaval d’Alost, avec ses caricatures antisémites, porte atteinte à l’image du pays tout entier. Quel dommage!»

Son ministre de tutelle, Israel Katz, a donc repris la même antienne ce 20 février dans un tweet. Une intervention peu banale sans doute, de la part d’un ministre des Affaires étrangères, à propos d’un problème dans une commune belge.

«Je déciderai moi-même»

«En Israël», nous dit un journaliste israélien qui tient à l’anonymat, «ceux qui ont entendu parler de cette affaire trouvent fort de café qu’il ne s’est trouvé personne (ministre ou autre) pour dénoncer l’antisémitisme de ce carnaval. Après, c’est la campagne électorale, ici en Israël. Donc tout est bon pour faire du bruit et taper sur la Belgique ne mange pas de pain.»

Côté belge justement, le ministre des Affaires étrangères Philippe Goffin (MR) n’a pas souhaité réagir officiellement à la sortie de son homologue israélien. Lors d’une visite de l’ancien camp d’extermination d’Auschwitz le mois dernier, le ministre-président flamand Jan Jambon (N-VA) avait déclaré que les fêtards du carnaval d’Alost n’auraient pas dû afficher des caricatures juives. Le ministre-président campe sur ses positions, a déclaré son porte-parole à Belga jeudi.

Du côté des organisations juives de Belgique, Joël Rubinfeld, le président de la Ligue belge contre l’antisémitisme, n’est pas pour sa part pour une interdiction du carnaval... «Ce sont les quelques chars problématiques qu’il faut soit interdire soit sanctionner. Selon moi, cela a davantage de sens qu’une sanction collective. Je ne supporte pas l’idée que des enfants puissent voir ces chars, enregistrer les associations d’images qu’ils véhiculent, entre les Juifs et l’argent notamment; et y céder des années plus tard. De façon générale, je pense que personne ne sortira gagnant de cette histoire. Tout le monde a à y perdre. J’ai l’impression que les Alostois, et plus particulièrement les gens sur les chars qui posent problème, ne se rendent pas compte de l’impact désastreux que tout cela peut avoir. La Ville va être associée inextricablement à ces chars.»

Quant au bourgmestre d’Alost Christoph D’Haese (N-VA), a réagi: le ministre israélien «ne semble pas comprendre les fondements d’une société libre. Ce n’est pas à un ministre étranger de décider de ce qui devrait être autorisé ou non à Alost», déclare-t-il. «Je déciderai de cela moi-même». Le ministre flamand des Affaires intérieures et de l’Egalité des chances, Bart Somers (VLD), s’est refusé jeudi à interdire les caricatures, affirmant: «Nous vivons dans une société qui estime très important le droit à la liberté d’expression.» Mais il a appelé, selon la VRT, le bourgmestre à convaincre les participants qu’il «existe des choses avec lesquelles on ne rit pas». Les autorités locales devraient «faire davantage d’efforts pour engager un dialogue avec les carnavaliers et essayer de les convaincre que l’on ne fait pas cela moralement et éthiquement».

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