“Les chiens sont autorisés, mais les Juifs jamais”
Un cafetier de Saint-Nicolas (Liège) avait placardé sur la vitrine de son bistrot une affichette en français et en turc. Un rappel de la discrimnation instaurée par l’Allemagne nazie.
Selon nos informations, le parquet de Liège a classé la plainte déposée après qu’un cafetier de Saint-Nicolas (Liège) a placardé sur la vitrine de son bistrot une affichette en français: «L’entrée est autorisée aux chiens mais aux sionistes en aucune façon!», et plus clairement encore en turc: «Dans ce commerce, les chiens sont autorisés mais les Juifs en aucun cas!»
Un rappel des affichettes diffusées sous l’Allemagne nazie: «Betreten für Hunde und Juden verboten»: Interdit aux chiens et aux Juifs.
Contacté hier par nos soins, Joël Rubinfeld, de la Ligue belge contre l’antisémitisme, se dit «atterré, révolté»: «Vous nous l’apprenez. Nous étions toujours en attente des suites pénales de ce dossier tout en nous étonnant de la lenteur.»
Porte-parole du parquet de Liège, le premier substitut Mme Catherine Collignon confirme l’information: «Le dossier a été classé sans suite. Je n’en sais pas plus».
Joël Rubinfeld a des chiffres à révéler: «1000 actes antisémites ont été recensés en Belgique depuis la résurgence de l’antisémitisme observée depuis septembre 2000. Dans ce nombre, ceux qui ont été traduits en justice et ont amené une condamnation par les tribunaux se comptent sur les doigts de la main. Le parquet du procureur du Roi a donc classé un acte antisémite si évident que tous les médias belges l’avaient rapporté et ceux d’à peu près toute la planète avaient repris: Brésil, Chili, Argentine, Uruguay, Arabie saoudite, Israël, Grande-Bretagne, Turquie et des dizaines d’autres. Il y avait eu plus de 400 articles de presse.»
À l'époque (23 juillet 2014), l’attentat au Musée juif vient de se commettre deux mois plus tôt (24 mai 2014). La Ligue belge contre l’antisémitisme, de création trop récente, ne pouvait légalement pas porter plainte et se constituer partie civile. Un Israélite s’en était chargé.
Selon Joël Rubinfeld, le parquet de Liège a commencé par proposer une médiation. «Cela nous avait choqués que le ministère public puisse proposer cette solution soft pour une violation si flagrante de la Loi Moureaux réprimant le racisme et la xénophobie. Le plaignant avait refusé».
Selon Joël Rubinfeld toujours, le plaignant n’aurait alors plus jamais entendu parler de rien. «Il était toujours en attente des suites, il trouvait cela long. Il m’affirme qu’il n’a pas été informé du classement sans suite de la plainte».
Le parquet de Liège ne pouvait fournir d’autres précisions.
À l’époque des faits, le bourgmestre de Saint-Nicolas, Jean Heleven (succédé par Valérie Maes), avait immédiatement fait intervenir la police dans ce café turc de la rue de la Coopération et fait retirer les affiches. Koen Geens, ministre de la Justice, s’était engagé à suivre le dossier.
«Nous analysons qu’il y a deux discours, s’agace le président de la LBCA. L’officiel, celui de la tolérance zéro, ne va pas plus loin que la parole. Dès qu’on sort du champ théorique pour entrer dans le champ pratique, c’est perdu. La lutte contre le racisme, s’agissant de l’antisémitisme, reste dans la pure rhétorique».
La LBCA, à qui nous apprenions donc que l’auteur de «Les chiens oui, les Juifs non» n’ira pas en justice, réagissait encore: «Nous n’acceptons pas ce classement sans suite».
Rubinfeld parle d’une «faillite», d’un «sérieux dysfonctionnement de la justice pas même capable d’amener un cas si flagrant devant les tribunaux. On espère que le prochain gouvernement et le prochain ministre de la Justice évalueront la problématique et chercheront à apporter des changements».
GILBERT DUPONT