«S’il le faut, je peux être pire que Cruella… et même qu’Adolf Hitler»
L’histoire date d’il y a déjà un mois, mais si le temps passe vite, l’incompréhension demeure chez ces quelques élèves de 1ère secondaire de l’Ecole active, qui attendent toujours des excuses de leur professeur.
Les faits se sont produits avant les congés de Carnaval. La titulaire d’une classe de 1ère secondaire, visiblement excédée par la turbulence de ses élèves, en serait venue à cet avertissement surprenant: «J’ai dit à vos parents en réunion collective que j’étais quelqu’un de gentil, mais s’il le faut, je peux être pire que Cruella…». Ses propos malheureusement ne s’arrêtent pas là. «Elle s’est alors adressée plus précisément à nos enfants qui viennent de Beth Aviv en ajoutant: … ‘et même qu’Adolf Hitler!’», soutiennent les parents d’Ethan, 12 ans. «D’autres enfants de la classe les ont même regardés en étant choqués», ajoute-t-il.
Le jeune garçon ne raconte rien en rentrant de l'école. C’est le père d’une camarade, elle aussi visée, qui appellera ses parents. «On a alors questionné Ethan», poursuit sa mère. «‘C’est possible d’être pire qu’Hitler?’ nous a-t-il demandé, déjà bien conscient de son histoire familale. Je lui ai dit qu’il s’agissait sans doute de paroles en l’air, mais très déplacées, et j’ai contacté l’école pour en parler au directeur encore avant les vacances. Il ne m’a pas rappelée».
L’incident avec cette titulaire, également professeur de français, n’est semble-t-il pas le premier. «Elle s’était déjà adressée plusieurs fois à ces mêmes élèves en les stigmatisant», rapporte le père d’Ethan, «en leur disant qu’à Beth Aviv, on n’apprenait visiblement pas à lever le doigt, à être solidaires…». En décembre, l’un d’eux a décidé de quitter l’école pour rejoindre l’Athénée Ganenou. Après les vacances de Carnaval, une deuxième prenait la même décision «pour propos antisémites», affirme le père d’Ethan. «La direction s’est contentée de prendre acte».
Toujours sans nouvelles de celle-ci, les parents d’Ethan contactent Joël Rubinfeld, président de la Ligue belge contre l’antisémitisme (LBCA). La rencontre avec la direction se déroulera finalement un mois après les faits, ce lundi 20 mars. «Joël Rubinfeld et son avocat nous ont accompagnés», explique le père d'Ethan. «Le directeur a admis un problème de communication dans son établissement qui justifiait qu’il nous rencontre aussi tard. Il a reconnu la gravité des propos en affirmant qu’ils n’avaient pas été tenus dans l’intention de blesser les Juifs. Quand on lui a demandé ce qu’il comptait faire, il nous a répondu qu’aucune décision n’avait été prise, qu’ils en reparleraient au CA qui se tient après Pâques!»
Nous avons nous-mêmes contacté le directeur qui ne souhaite pas faire plus de commentaires et parle d’une différence d’interprétations, affirmant qu’il soutient l’enseignante, mais reste ouvert à toute nouvelle demande de rencontre des parents.
A défaut de sanction, les parents d’Ethan s’attendaient au minimum à des excuses. «L’école joue les arbitres sans se positionner, au lieu de prendre ses responsabilités», déplore le papa d’Ethan. «Les faits sont là, il ne peuvent être niés. La professeur les a reconnus devant ses élèves en disant qu’elle avait juste voulu leur faire peur, car ils étaient turbulents, et que ses propos avaient été mal interprétés, sans exprimer le moindre regret...». Depuis la rentrée de février, leur fils est sous certificat médical et espère pouvoir encore changer d’école avant la fin de l’année. Il suit chaque jour des cours particuliers pour ne pas accumuler plus de retard.
Sans forcément crier à l’antisémitisme, mais peut-être à la bêtise, il est certain que ce type de réaction d’un enseignant à l’égard de ses élèves, qu’ils soient juifs ou de toute autre origine, n’est pas de nature à apaiser le climat actuel. On aurait cru à plus d’écoute, de compréhension et surtout de réactivité de la part d’une école connue pour sa vigilance constante envers le vivre-ensemble.
PERLA BRENER