La vidéo de Nordpresse jugée antisémite
Une vidéo du site satirique Nordpresse sur la Belgique, présentant les diamantaires juifs d’Anvers comme éludant l’impôt, suscite la colère de la Ligue belge contre l’antisémitisme (LBCA). La commission juridique de la LBCA instruit actuellement le dossier en vue de déposer plainte.
Le 3 février dernier, le site satirique Nordpresse parodiait les récentes vidéos suisse et hollandaise s’adressant au président américain Donald Trump. Le but de ces vidéos: promouvoir les Pays-Bas et la Suisse de façon humoristique. Alors que les séquences de nos voisins helvètes et néerlandais ont été accueillies avec enthousiasme, la version belge de Nordpresse fait grincer des dents. Un passage sur les diamantaires juifs d’Anvers pousse la Ligue belge contre l’antisémitisme à réagir. La commission juridique de la LBCA instruit actuellement le dossier en vue de déposer plainte pour non-respect des lois de 1981 (racisme) et 1995 (négationnisme).
Même s’il ne veut pas préjuger de la décision de porter plainte ou non, le président de la Ligue, Joël Rubinfeld, estime qu’il est temps pour Nordpresse de tracer la ligne entre l’humour juif et l’humour antisémite: «Je ne fais pas de procès d’intention au site Nordpresse et à son créateur, mais force est de constater que Monsieur ‘Flibustier’ a fait des Juifs, des chambres à gaz, du nazisme, d’Israël et de la Shoah en général, un thème récurrent de son site satirique. Les clichés antisémites véhiculés, une nouvelle fois, par Nordpresse libèrent la parole. Je note que certains soutiens et fans de Nordpresse recourent à la rhétorique d’Alain Soral et de Dieudonné dans les commentaires laissés sur la page Facebook du site. Les Juifs n’ont pas de leçon à recevoir en matière d’autodérision, mais il est temps de savoir si Nordpresse fait uniquement de la satire ou bien s’il use de cet alibi pour diffuser des propos qui tombent sous le coup de la loi».
Du second degré
Avec la Marseillaise pour fond sonore, le passage incriminé dans la vidéo commence par une poignée de main entre Didier Reynders, ministre belge des Affaires étrangères et Benyamin Netanyahou, Premier ministre israélien. La voix off de Vincent «Flibustier» explique que «la Belgique aime Israël» comme vous Monsieur Trump, pour «ses bons diamants et ses bons murs». D’enchaîner: «Nous avons beaucoup de Juifs à Anvers. Ils ont beaucoup de diamants et ne paient pas d’impôt. Très malin! Des Juifs vraiment riches. Ils aiment l’argent et le succès…». Et de conclure: «C’est du racisme? Pas de problème, en Belgique vous pouvez être raciste et devenir ministre», en faisant allusion à Theo Francken.
Pour Joël Rubinfeld, le second degré ne peut pas dédouaner toutes les paroles. «C’est un peu facile de se cacher derrière les parodies et la liberté d’expression, déjà très large chez nous. Et je crois qu’il faut sans cesse rappeler que l’antisémitisme n’est pas une opinion mais un délit», insiste-t-il.
Pour l’heure, la Ligue belge contre l’antisémitisme a enregistré quatre signalements concernant directement la vidéo de Nordpresse. Et si globalement, les actes antisémites (tags, agressions, etc.) sont en baisse en Belgique pour 2016, selon Joël Rubinfeld, les écrits anti-juifs sur internet atteignent un niveau inquiétant. «C’est pour cela que, contrairement à la polémique sur Shimon Peres et les fours crématoires (lire ci-dessous), cette fois nous avons décidé d’agir: pour éviter une nouvelle récidive de Nordpresse», conclut Joël Rubinfeld.
Shimon Peres et les fours Bosch
En septembre dernier, un post de Nordpresse avait déjà provoqué un tollé au sein de la communauté juive de Belgique et au-delà. Des dizaines de personnes avaient, à l’époque, alerté la Ligue belge contre l’antisémitisme au sujet de cette publication de Nordpresse annonçant: «L’incinération de Shimon Peres reportée, le four était un Bosch». Une blague que beaucoup ont jugée de mauvais goût voire offensante pour les victimes de Shoah et le défunt homme politique Shimon Peres. À tel point qu’Unia, le Centre interfedéral pour l’égalité des chances avait expliqué dans une réponse à une plaignante: «Cet article était en effet de mauvais goût puisque non seulement il manquait de respect à un grand homme politique israélien, mais il rappelait aussi aux Juifs et à tous les démocrates des événements qu’il ne faut pas oublier, mais qui ne peuvent pas être tournés en dérision, car il est de notre responsabilité à nous tous qu’ils ne se reproduisent pas ici ou ailleurs.»
Finalement, face au flot d’injures et surtout à l’indignation générale, Vincent Herregat, alias «Flibustier», avait décidé de retirer le post en question avant de publier une mise au point sur sa page Facebook provoquant une flopée de commentaires antisémites. Des écrits qui n’ont toujours pas été retirés ou modérés.
DAVID BAUDOUX