Des Molotov au Conservatoire

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Plusieurs bouteilles d'essence ont été retrouvées lundi dans l'école voisine de la synagogue.

Étrange découverte que celle faite au Conservatoire Royal, en plein centre de Bruxelles, ce lundi. En fin d'après-midi, des étudiants remarquent une très forte odeur d'essence. «Je n'ai pas senti tout de suite», raconte une élève, «mais ceux qui jouent d'instruments à vent l'ont vite remarqué.» Les responsables de l'établissement découvrent alors, notamment dans les combles juste au-dessus de la salle de spectacle, plusieurs bouteilles d'essence et deux bidons de contenu inflammable. De quoi faire des cocktails Molotov.

Les pompiers et la police arrivent rapidement sur les lieux, un peu avant 17h, et procèdent à une évacuation des lieux. Un périmètre de sécurité a été établi. Personne n'a été blessé ni intoxiqué. «Nous avons fait une intervention de vérification dans les bâtiments», confirme le porte-parole des pompiers, Pierre Meys. Les locaux ont longuement été fouillés au cours de la soirée. Le laboratoire de police scientifique est venu sur place.

Le lendemain, mardi, le Conservatoire a rouvert. Une enquête est en cours, aucun suspect n'a été identifié.

Au Conservatoire, les rumeurs vont bon train. Si certains élèves n'étaient pas encore au courant ce mardi de l'incident de la veille, d'autres disaient déjà avoir vu les policiers interroger certains élèves et professeurs. «Il y en a qui disent qu'ils ont vu quelqu'un qui n'avait rien à faire là entrer avec un sac à dos une fois… Mais rien n'est sûr, ce sont seulement des paroles», relève une élève. Un enseignant, absent au moment des faits, est persuadé qu'il s'agit de quelqu'un de l'extérieur. «On m'a aussi dit que les cocktails étaient du côté de la synagogue.»

En effet, le Conservatoire royal, rue de la Régence, jouxte la Grande synagogue de Bruxelles. Un fait qui n'a rien pour apaiser le climat actuel, prompt à la psychose. D'autant plus que le 12 janvier dernier, un incendie volontaire s'était déclaré à l'intérieur du Conservatoire. Le 20 janvier, c'était une alerte à la bombe qui avait visé plusieurs bâtiments de la rue. Un coup dur de plus, pour cet établissement dont les fondations sont dans un état critique et attendent désespérément une rénovation en profondeur.

La Ligue contre l'antisémitisme inquiète

Si l'enquête débute à peine, la promiscuité du Conservatoire royal avec la Grande synagogue de Bruxelles peut poser question. Joël Rubinfeld, de la Ligue belge contre l'antisémitisme (LBCA), assure qu'il va suivre l'affaire avec attention. «Bien sûr que c'est inquiétant», affirme-t-il. «S'il y a des cocktails Molotov, c'est qu'il y a une volonté criminelle. Maintenant, il faut savoir quelle était la cible.»

L'homme fait remarquer que par le passé, des cocktails Molotov avaient déjà été lancés sur des synagogues. «C'est un élément supplémentaire dans le climat préoccupant d'aujourd'hui. Mais tout est possible. Il faut laisser le temps à l'enquête. Peut-être que tout simplement, des gens voulaient bouter le feu au Conservatoire. Il est trop tôt pour savoir.»

Néanmoins, Joël Rubinfeld pense que les enquêteurs «envisageront toutes les pistes, dont la piste antisémite. La synagogue est quand même juste à côté.»

MARIE HAMONEAU