Une maison nazie en Flandre
Keerbergen, petite commune du Brabant flamand, abrite une maison de l’horreur. Cette villa nazie est «décorée» en extérieur d’une dizaine de symboles faisant l’apologie du 3e Reich, ce qui ne laisse que peu de doutes sur les intentions de son propriétaire.
Il s’agit d’une maison tellement incroyable qu’on pourrait croire à une reconstitution pour le film «Inglourious Basterds» de Quentin Tarantino. Des croix gammées sur la cheminée surmontée d’un «Mein Kampf», mais aussi dans le jardin et sur un hangar à l’arrière de la propriété, des symboles «SS» ou «HH» disséminés un peu partout sur la façade de la villa ou encore un «Nid d’Aigle» faisant référence à la résidence d’été d’Adolf Hitler en Bavière, depuis environ deux ans le propriétaire de cette bâtisse affiche sans complexe ses affinités pour le régime nazi.
Alerté il y a quelques jours par un habitant de la commune de Keerbergen où se trouve la maison nazie, Joël Rubinfeld, co-fondateur de la Ligue Belge contre l’Antisémitisme, s’est rendu au 11 Varensweg dans la paisible commune flamande pour constater par lui-même de la véracité des faits, tellement cette maison paraît surréaliste. «C’est complètement incroyable! Le propriétaire n’essaie même pas de cacher ses convictions. Il affiche tous ces symboles nazis sur sa façade et ils sont visibles depuis la rue», s’émeut encore abasourdi Joël Rubinfeld.
Ce dernier a tenté de discuter avec le propriétaire des lieux, un homme d’une soixantaine d’années, ancien caporal de l’armée. «Dans un premier temps, il m’a dit apprécier ces choses-là. Mais quand je lui ai expliqué que faire l’apologie du 3e Reich en affichant des insignes nazis un peu partout sur sa façade était punissable par la loi, il a commencé à être plus prudent», raconte notre interlocuteur.
Dans son quartier, le propriétaire de la maison nazie ne semble pas vraiment apprécié, les voisins le décrivent comme quelqu’un d’assez bizarre et pas franchement sympathique. D’ailleurs, un panneau à l’entrée de sa demeure annonce la couleur: «il n’y a pas de chien ici, c’est moi qui monte la garde». «La personne qui m’a prévenu de l’existence de cette maison n’est absolument pas juive, mais ne supportait tout simplement plus la vue de ces horreurs», continue Joël Rubinfeld qui s’est rendu à la maison communale de Keerbergen, où il a pu rencontrer le bourgmestre Dominick Vansevenant (N-VA). «Il était vraiment de bonne volonté et m’a assuré qu’il demanderait à la police d’aller constater les infractions», indique le fondateur de la Ligue Belge contre l’Antisémitisme, qui est en train de constituer un dossier contre ce lieu dédié au nazisme.
«J’ai demandé à la police locale de se rendre dans cette maison»
Le bourgmestre de Keerbergen, en Brabant flamand, Dominick Vansevenant (N-VA), se dit choqué par la découverte de cette maison «nazie» sur le territoire de sa commune. «Oui, ça me choque. Je suis contre toutes formes de discrimination et racisme et j’ai du mal à croire que quelqu’un puisse faire quelque chose de moralement aussi bas. C’est en contradiction avec tout ce que je défends. D’autre part, je ne suis pas juge ou avocat, je ne peux donc pas décider de la légalité de ces faits. Mais en tant que bourgmestre, j’ai demandé à la police locale de se rendre dans cette maison pour faire un constat et dresser un procès-verbal qui sera envoyé au parquet de Louvain, qui décidera des suites judiciaires à donner à cette affaire», explique Dominick Vansevenant. Lequel assure par ailleurs qu’il n’avait absolument pas connaissance de l’existence de cette maison faisant l’apologie du nazisme et du 3e Reich.«C’est punissable de peines d’amendes ou de peines de prison»
Nous avons sollicité l’avis du Centre interfédéral pour l’égalité des chances afin de savoir ce que pouvait encourir juridiquement le propriétaire de cette demeure quelque peu particulière. Le directeur-adjoint du Centre, Patrick Charlier, s’est d’abord dit étonné de n’apprendre l’existence de cette maison qu’aujourd’hui, alors que selon nos informations tous ces symboles faisant référence au nazisme sont apparus il y a environ deux ans. «En général, nous sommes très rapidement informés de ce genre de dérives. On est donc très surpris de ne l’apprendre que maintenant. Nous allons enquêter, prendre contact avec les autorités locales et ouvrir un dossier», assure Patrick Charlier. Selon lui et sur base des photos que nous avons transmises au Centre, le propriétaire semble bien en infraction par rapport à la loi de 1995 sur le négationnisme. «Il apparaît qu’il fait l’apologie du nazisme en accumulant ces symboles, ce qui est punissable de peines d’amendes ou de prison», conclut-il.DAVID BAUDOUX