Proche de Laurent Louis, la librairie Xsime intéresse la justice
Dès la porte d’entrée du magasin Xsime Concept, rue Edith Cavell, à Uccle, le ton est donné. Une pancarte interdit strictement la présence de tout appareil photo et toute caméra à l’intérieur. Comme si des secrets d’Etat y étaient préservés. Etrange pour un commerce qui se veut avant tout actif dans la photocopie…
C’est que dans une pièce à l’arrière, le commerce abrite une seconde activité. C’est une librairie qui a d’ailleurs sa page Facebook. Une librairie qui, depuis quelques jours, fait l’objet de plusieurs plaintes, notamment pour antisémitisme. L’une a été déposée par la Ligue belge contre l’antisémitisme (LBCA). Ce mardi, le parquet de Bruxelles a d’ailleurs annoncé avoir ouvert une information judiciaire. Dimanche, la police d’Uccle était présente en force devant l’établissement, qui a été perquisitionné.
«J’ai donné un exemplaire de chaque livre qui intriguait les enquêteurs, dit aujourd’hui, énervée, la gérante. J’ai été emmenée au commissariat où j’ai pu discuter avec les enquêteurs. Je suis libre et mon magasin est ouvert. Je n’en dirai pas plus.» Le contenu des livres saisis est actuellement analysé par les enquêteurs afin de déterminer leur éventuel caractère antisémite.
Si la lumière éclaire soudainement cette fameuse librairie Xsime, c’est parce que la semaine dernière, le député Laurent Louis avait annoncé que ses militants pouvaient y acheter des tickets pour «le premier congrès européen de la dissidence» qu’il organisait. Signe d’un attachement tout particulier des gérants de la librairie Xsime aux thèses défendues par Laurent Louis, d’imposantes affiches électorales à l’effigie de Abdesselam Laghmich, secrétaire général du parti Debout les Belges, obstruent actuellement les fenêtres du premier étage du bâtiment. D’autres sont à la disposition du client à l’entrée du magasin. Le couple de gérants ne souhaite pas en discuter. Il va même jusqu’à interdire violemment tout contact avec sa clientèle et renvoie vers son avocat…
«Quand on perquisitionne les librairies, ce n’est pas fameux, ironise Me Sébastien Courtoy. Si je comprends bien, on soupçonne mes clients d’être antisémites. Que je sache, on ne trouve pas d’exemplaires deMein Kampf ou de décorations de la Gestapo dans leur magasin… Ils vendent des livres d’Alain Soral. Il tient des propos qui suscitent la polémique, mais aucun de ses livres n’a jamais été censuré ou interdit… Quant à Joël Rubinfeld, le président de la LBCA qui a déposé plainte contre mes clients, il est connu pour attaquer tous azimuts pour antisémitisme.»
«Ce sont des allumés!»
Le bourgmestre ucclois, Armand de Decker, y est aussi allé de sa plainte. «Les principaux clients de cet établissement sont des élèves de deux grandes écoles voisines qui viennent y faire des photocopies, dit le maïeur. Ça ne me plaît pas. En faisant mes courses récemment, une dame m’a abordé pour me dire que Xsime vendait les tickets pour le fameux congrès de Laurent Louis. J’ai envoyé un inspecteur de quartier visiter le commerce. Intrigué, le couple a souhaité que je le reçoive. Je l’ai fait en présence d’un commissaire de police. Il a pu entendre les propos qu’ils ont tenus. C’était digne du début du XXe siècle et de Léon Degrelle. Ce sont des allumés!»
Dimanche, au retour du fameux congrès qui a été interdit, la police et le bourgmestre étaient à nouveau présents devant la librairie. «On redoutait un nouveau rassemblement, justifie Armand de Decker. Le gérant a alors proféré des menaces à mon encontre. En présence d’un commissaire de police en civil. J’ai donc déposé une plainte préventive.»
FRÉDÉRIC DELEPIERRE