81% des juifs belges ne se sentent pas en sécurité
L’attentat du Musée juif représente le sommet de l’iceberg des atteintes à la communauté juive de Belgique. Un fond d’antisémitisme n’a jamais disparu, bien au contraire, avec son lot annuel d’agressions et de commentaires honteux. En décembre dernier, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne dévoilait une nouvelle enquête inquiétante, menée auprès de 16.000 juifs dans 12 pays de l’UE. Résultat? À l’exception des juifs de France, les juifs de Belgique sont ceux qui ressentent le plus d’hostilité à leur égard. Pas moins de 81% des personnes interrogées ne se sentent pas en sécurité dans l’espace public. La moyenne européenne est d’environ 70%.
Chez Unia, l’institution publique indépendante qui lutte contre la discrimination et défend l’égalité des chances, on a enregistré entre 53 et 130 dossiers annuels d’antisémitisme entre 2008 et 2018. Trois types de faits sont réguliers: les agressions verbales et menaces, le négationnisme et les commentaires antisémites sur internet. «L’antisémitisme a plusieurs visages», analyse Patrick Charlier, le directeur d’Unia. «Nous observons différentes formes de haine à l’égard des juifs. Certaines formes sont liées au conflit israélo-palestinien, mais d’autres viennent de l’extrême droite. Nous remarquons aussi une forme d’antisémitisme au quotidien qui s’exprime par des stéréotypes et différentes formes de négationnisme.» Unia s’est constitué partie civile dans le procès de l’attentat du Musée juif.
L’inquiétude est similaire à la Ligue belge contre l’antisémitisme, qui a recensé une quarantaine de faits en 2018: des agressions, des menaces, des graffitis sur des maisons, des monuments vandalisés, des affiches électorales taguées de croix gammées, etc. «La situation s’est dégradée depuis 2000, avec des pics certaines années. Les tensions au Proche-Orient ont des répercussions immédiates en Europe occidentale. La majorité des actes sont commis par des membres de la communauté musulmane», analyse Joël Rubinfeld, président de la Ligue belge contre l’antisémitisme. «Le rôle de l’État est d’endiguer ce phénomène à la racine, avant qu’il ne dégénère dans des actes extrêmes comme l’attentat du Musée juif. Un sentiment d’impunité anime pourtant les auteurs de ces faits. La justice est lente et nous sommes loin de la tolérance zéro qui devrait s’imposer. Un exemple? Dans un café de Saint-Nicolas, près de Liège, un tenancier avait placé une affichette qui autorisait les chiens à entrer mais pas les juifs! La police est intervenue. Toutes les preuves étaient là. Mais le parquet a juste proposé une médiation! Cela n’a vraiment rien de dissuasif »
On l’a dit, l’antisémitisme s’est aussi répandu sur les réseaux sociaux. On n’y compte plus les commentaires antisémites, la nouvelle plaie. En témoigne aussi le nombre de «quenelles» immortalisées sur Twitter ou Facebook. La «quenelle», un salut nazi inversé, pensé par l’ancien humoriste Dieudonné, est devenue le signe de ralliement antisémite en vogue, explique la Ligue. Chaque année, Dieudonné décerne ses «Quenelles d’or». Ont reçu cette distinction le député Laurent Louis mais aussi les avocats Sébastien Courtoy et Henri Laquay, les… défenseurs de Mehdi Nemmouche. Cela aussi, il faut le savoir avant le procès.
BENOÎT FRANCHIMONT