«Le PS a abandonné le combat contre l'antisémitisme»

La Libre Belgique |


Joël Rubinfeld (Ligue contre l’antisémitisme) dénonce durement la passivité de la classe politique belge.

Joël Rubinfeld, le président de la Ligue belge contre l'antisémitisme (et ancien vice-président du Parti populaire de Mischaël Modrikamen), a des propos très durs sur la classe politique belge. Le climat actuel pousse de plus en plus de Juifs à quitter la Belgique pour Israël, les Etats-Unis et le Canada, affirme-t-il. En 2013, selon ses calculs, environ 500 personnes issues de la communauté juive ont émigré dans l'un de ces trois pays (essentiellement pour Israël avec 273 départs). «Au niveau national, c'est une goutte d'eau, explique Joël Rubinfeld, mais au sein de la communauté juive belge, qui est de 40 000 personnes, ça compte. Cet exode silencieux est annonciateur d'une plus grande catastrophe.»

Toujours selon Joël Rubinfeld, ce n'est pas tellement la menace d'attaques antisémites qui explique le malaise des Juifs belges: «Ce qui alimente le plus la grande crainte pour les Juifs de Belgique, leur envie de départ pour Israël, ce n'est pas la peur des attentats, c'est l'absence de réaction du monde politique par rapport à la montée de l'antisémitisme, dénonce-t-il. Cet été, il y a eu des manifestations à Bruxelles et à Anvers au sujet des conflits au Proche-Orient: on y criait ‘mort aux Juifs’. En arabe, on appelait aussi à égorger les Juifs… La manifestation à Anvers, par exemple, était soutenue par des élus du SP.A, du PTB-PVDA, de Groen… C'est le bourgmestre Bart De Wever, N-VA, qui a dit qu'il fallait prendre des mesures pour que cela n'arrive plus.»

«Responsabilité écrasante de Mayeur»

A Bruxelles, plusieurs manifestations liées au contexte au Proche-Orient ont également eu lieu cet été mais le bourgmestre de la capitale belge, Yvan Mayeur (PS), n'a pas agi de la même manière que son homologue anversois, déplore le président de la Ligue belge contre l'antisémitisme. «Le PS a dans son ADN la lutte contre l'antisémitisme et, pourtant, ce n'est pas lui qui est à la pointe du combat, c'est la N-VA qui a été ferme alors qu'on connaît justement ses ambiguïtés avec la période de la collaboration. A Bruxelles, la responsabilité d'Yvan Mayeur, le bourgmestre socialiste, est écrasante. Suite à une première manifestation cet été où l'on appelait au meurtre des Juifs, nous lui avons demandé de prendre des mesures, mais il n'a pas donné suite à nos appels. Et d'autres manifestations du même genre ont donc pu avoir lieu… Il a pratiqué la politique de l'autruche. Yvan Mayeur symbolise cette digue politique qui a lâché face à la barbarie, par passivité et par calcul électoral.»

Revirement du PS

Plus généralement, Joël Rubinfeld s'attaque à ce qu'il perçoit comme un revirement dangereux du PS: «Le combat contre l'antisémitisme a été globalement abandonné par le PS. Pas par tous les socialistes, mais bien globalement par le parti. Dans les années 70, tout le monde condamnait l'antisémitisme au sein du PS. Dans les années 80, il y a eu la loi Moureaux contre le racisme et la xénophobie… Mais le même Philippe Moureaux a défilé en 2009 lors de la plus grande manifestation antisémite jamais organisée en Belgique. C'était le 11 janvier 2009, à Bruxelles (manifestation organisée en vue de soutenir le peuple palestinien à Gaza, NdlR). On trouvait dans cette manifestation des affiches négationnistes, on criait ‘mort aux Juifs’… On y trouvait d'autres socialistes d'ailleurs, dont on aurait pu penser qu'ils lutteraient contre l'antisémitisme.»

Récupération politique de la manif'

Bref, Joël Rubinfeld est particulièrement pessimiste. Pourtant, il voit un espoir dans les récentes manifestations en France suite aux massacres au sein de la rédaction de Charlie Hebdo et dans la supérette casher de la Porte de Vincennes. Par contre, pour la Belgique, il reste extrêmement critique. «En Belgique, la manifestation de dimanche a été récupérée par des personnalités comme Henri Goldman qui a organisé cette manifestation. Cette personnalité proche d'Ecolo dénonçait pourtant il n'y a pas si longtemps le caractère soi-disant raciste de Charlie Hebdo… Ces personnes ont voulu récupérer le mouvement d'indignation des citoyens belges par peur de devoir rendre des comptes elles-mêmes après avoir cloué au pilori le travail de Charlie Hebdo et ses caricatures, en accusant l'hebdomadaire de racisme… C'est pour cette raison que je n'ai pas participé à la manifestation de dimanche. Je pointe un doigt accusateur sur toutes ces personnes. Désormais, si on ne rectifie pas le tir, on sera pris en étau en Belgique entre l'extrême droite et la barbarie islamiste.»

FRÉDÉRIC CHARDON