Mini-trip au cœur de l'extrême droite wallonne

Manuel Abramowicz |


Depuis toujours, un courant régionaliste et autonomiste fasciste a existé en Wallonie. Aujourd'hui, un nouveau rassemblement politique, le Front wallon, voit le jour. RésistanceS.be vous propose un petit voyage chez les Wallons d'extrême droite.

Pour survivre sur l'échiquier électoral, la Fédération des nationalistes wallons (FNW), animée depuis 2009 par un des clans issus de l'implosion totale du Front national belge, propose pour les élections de 2014 un nouveau cartel électoral. Le nom choisi: Front wallon (FW). Une dénomination qui avait déjà été jadis celle d'organisations et mouvements politiques pas toujours connus pour leur appartenance à l'extrême droite.

Durant l'occupation allemande du pays (de 1940 à 1944), un mouvement de résistance antinazie, à Liège, s'appelait en effet «Front wallon pour la libération du pays». Il s'intégrera au Front de l'indépendance, la plus importante structure fédératrice des différentes organisations de résistance.

Dans les années 1960, l'un des dirigeants du Mouvement populaire wallon, le syndicaliste et socialiste Robert Moreau lance un Front wallon. Il fusionnera en 1965 avec une partie du PWT (Parti wallon des travailleurs), une formation de la gauche radicale anticapitaliste sous l'influence du dirigeant trotskiste belge Ernest Mandel. Ensemble, le FW et le PWT allaient conduire à la création du Parti wallon, prémices du futur et plus célèbre Rassemblement wallon.

National-socialiste wallon

Au sein de l'extrême droite belge francophone, il a toujours existé des tentatives pour exploiter le régionalisme ou le nationalisme wallon. L'histoire des fascistes de Wallonie remonte à l'avant-Guerre et à la collaboration pro-allemande durant la Deuxième Guerre mondiale. Sous l'occupation, dans les mouvements collaborationnistes, outre le parti Rex de Léon Degrelle et le VNV des nazis indépendantistes flamands menés par Staf De Clercq, il coexiste, certes difficilement, le Mouvement National Populaire Wallon (MNPW), la Communauté Culturelle Wallonne (CCW), le Parti national-socialiste Wallon (PNSW), la Jeunesse Wallonne (JW) ou encore l'Amitié culturelle estudiantine Germano-Wallonne (AGW).

Bien plus tard, dans les années 1970, il existera un petit Mouvement Nationaliste Wallon (MNW), allié aux néonazis bruxellois de l'Europese partij-Parti Européen (EPE) qui rejoindra en 1985 le Front national de Daniel Féret. En 1989, les responsables de la section liégeoise du Parti des Forces Nouvelles (PFN), alors la plus importante formation d'extrême droite, firent scission et fonderont AGIR. Active de 1989 à 1994, cette Avant-Garde d'Initiative Régionaliste se présentait officiellement comme étant le Front wallon AGIR.

Ce dernier avait des liens directs avec le groupe néonazi l'Assaut qui lui aussi appelait à un «réveil de la Wallonie». Le mouvement REF, d'obédience néorexiste, fondé en 1995 par un ancien dirigeant d'AGIR, tentera d'incarner «l'espoir wallon», aujourd'hui totalement refoulé dans les oubliettes de l'histoire wallonne.

De la «Belgique de papa» à la Wallonie autonome

A la même époque en 1992, dans la Province du Hainaut, à Colfontaine, petite commune du Grand Mons, des dissidents du FN unitaire de Daniel Féret, alors actifs depuis deux ans environ au sein du mouvement L'Eveil Populaire Et Nationaliste (LEPEN), fonderont le Front Régional Wallon (FRW). En 1994, aux élections communales, le FRW fera élire avec plus de 6% au Conseil communal de Colfontaine son leader. Ce front wallon disparaitra cependant l'année suivante en ralliant le Front Nouveau de Belgique (FNB), conduit par la députée fédérale Marguerite Bastien et d'autres scissionnistes du FN belge.

A la veille des élections communales de 2000, la plupart des anciens dirigeants d'AGIR, passés en 1996 au Front national de Féret ou ayant fondé le mouvement néorexiste REF, avec le soutien du gourou de la secte politico-païenne Terre et Peuple-bannière Wallonie, mettent en place un nouveau parti: le Bloc Wallon (BW). Recevant le soutien de leurs «kamarades flamands» du Vlaams Blok (le nom à l'époque de l'actuel Vlaams Belang), mais miné dès ses débuts par des conflits internes, le BW n'aura qu'une très courte existence.

Entre 2003 et 2005, un autre Front wallon va exister, essentiellement sur Internet. S'attaquant ouvertement au Front national, mais utilisant son style graphique pour sa propagande, ce FW semble avoir plus été une opération de déstabilisation, sous une forme loufoque, de la formation lepéniste belge qu'autre chose.

Le parti Force nationale (FNationale), mis sur pied en 2004 par des parlementaires dissidents du FN belge, changera de nom en 2009 en Wallonie d'Abord (WdA). Passant ainsi, uniquement par opportunisme et stratégie, de la défense de la «Belgique de papa» à la revendication d'une Wallonie plus autonome. Mouvement régionaliste wallon issu de l'extrême droite, certes quasi fantomatique entre chaque scrutin, WdA est néanmoins sur l'ensemble du sud du pays le micro-parti «à la droite de la droite» le plus «populaire» aux élections.

Sur les ruines du FN

En 2009, pour récupérer les restes du FN de Féret - qui avait implosé deux ans plus tôt en plusieurs clans adverses - les députés régionaux frontistes Charles Petitjean et Charles Pire créeront la Fédération des nationalistes wallons (FNW). Cette FNW se présentera ensuite sous les traits d'un clone du FN wallon. En avril 2012, lors de la liquidation définitive du FN «réunifié» présidé par Charles Pire, ses principaux «cadres», après avoir tenté une adhésion sans succès au Parti populaire de Michaël Modrikamen, fonderont la Nouvelle Wallonie Alternative (NWA).

Dans les provinces de Liège et du Luxembourg étaient également apparu aux élections de 2010 des listes du Nouvel Elan Wallon (NEW). Sans racines idéologiques d'extrême droite, ce nouveau mouvement refusait alors d'être associé à cette dernière, même si ses thèmes électoraux ressemblaient au fonds de commerce de l'ex-Front national.

Aujourd'hui, l'ex-député frontiste Charles Petitjean et Salvatore Russo, respectivement président et secrétaire général de la Fédération des nationalistes wallons, proposent en perspective des prochaines élections à plusieurs de ces micro-partis de s'y présenter en cartel sous l'égide de leur Front wallon.

© RésistanceS.be, l'Observatoire belge de l'extrême droite